Aide financière aux entreprises : des instruments publics extrêmement ciblés

par Jean-Charles MAGNIN, Directeur des affaires économiques au Département de l’économie, de l’emploi et des affaires extérieures (DEEE) .

Une promotion économique moderne et dynamique ne peut plus se contenter de faire venir des entreprises de l’étranger pour créer des emplois. Aujourd’hui, elle doit absolument conjuguer cette action forte et spectaculaire en terme de développement économique avec des interventions à caractère beaucoup plus local, visant à favoriser l’émergence, la création et le développement de nouvelles entreprises du cru. En d’autres termes, les aspects exogènes (arrivées d’entreprises extérieures) et endogènes (création et soutien d’entreprises locales) sont indissociablement liés.

Les facteurs de développement de ces deux facettes de la promotion économique sont toutefois différents. Plus particulièrement l’un d’eux : l’accès au capital. Quasiment insignifiant pour les entreprises étrangères venant s’installer à Genève, ce problème est au contraire crucial, pour ne pas dire vital, pour les entreprises locales en création ou en développement.

En effet, si le thème de la création d’entreprise est porteur, « à la mode », « bien vu », et suscite aujourd’hui une sorte d’enthousiasme communicatif au niveau du principe, les choses se compliquent singulièrement lorsqu’il faut passer de la parole aux actes… et trouver les moyens financiers nécessaires. C’est là que le bât blesse, que les fonds manquent, que les crédits se font rares, que l’accès aux sources de financement se tarit et s’apparente, notamment pour les plus petites entreprises, à un véritable parcours du combattant.

Cette problématique est relativement nouvelle. En effet, jusqu’au début des années 90, le financement de telles activités était du ressort exclusif du secteur bancaire qui disposait de multiples instruments d’intervention. Le crédit en blanc existait… et lorsque des garanties étaient demandées, un bien immobilier ou la simple cession de factures étaient souvent considérés comme suffisants. Et dans le monde des entreprises, la vie allait son bonhomme de chemin.

La crise étant passé par là, les règles du jeu se sont fondamentalement modifiées. L’accès au crédit est devenu plus difficile, l’analyse des demandes beaucoup plus pointue, les ratings plus sévères. Exigences de rentabilité aussi : un crédit hypothécaire engendre, paraît-il dix fois moins de travail et de suivi qu’un crédit commercial. Ces nouvelles règles ont certes mis à jour de graves lacunes structurelles au sein de certaines entreprises, comme le manque voire l’absence de fonds propres. Des assainissements ont sans doute été nécessaires. Mais tout cela a inévitablement contribué à rendre extrêmement difficile, voire impossible, la recherche de crédits pour un créateur d’entreprise, une société industrielle ou un petit commerce d’un secteur économique traditionnel. Même solvables, bon nombre d’entreprises n’obtiennent plus de crédit ou voient leur lignes existantes être drastiquement réduites.

Devant ce constat, face à ces besoins, pour pallier dans les cas les plus flagrants au manque ou à l’insuffisance de garanties, l’Etat a mis sur pied au milieu des années 90 plusieurs instruments d’aide indirecte, axés sur le cautionnement.

Pour certaines entreprises et dans des conditions extrêmement précises, voire drastiques, l’Etat peut apporter sa garantie à un crédit octroyé par un établissement bancaire à une entreprise


Mais comment, et pour qui ? Trois sphères d’intervention ont été déterminées.
 

  1. D’abord, l’Etat et la Banque cantonale de Genève ont recapitalisé l’Office genevois de cautionnement mutuel (OGCM). Cet Office indépendant peut cautionner des crédits à une hauteur maximale de Frs 150.000 pour des petits artisans et commerçants et autres petites sociétés. Même si les montants sont minimes, voire souvent insuffisants, même pour des toutes petites structures, l’OGCM intervient là dans un terrain quasiment désert. Mais avant d’accorder sa caution, l’Office examine très attentivement les états financiers de l’entreprise ou du demandeur, exige des modifications de son plan d’affaires au besoin et, dans tous les cas, ne prend une décision positive que s’il juge l’affaire viable et équilibrée financièrement. Le suivi des entreprises cautionnées est également très serré. Bref, pour l’OGCM, comme pour les deux instruments mentionnés ci-dessous, il ne s’agit jamais de subventionner à fond perdu des activités économiques vouées à être déficitaires. Les quelques demandeurs qui ont cru pouvoir interpréter de cette manière l’aide publique aux entreprises ont été renvoyés à leurs études.
      
  2. Le soutien au secteur industriel a été la seconde sphère d’intervention. Grâce à la loi en faveur des petites et moyennes industries (LAPMI), adoptée par le législateur cantonal en 1996, et qui a proposé, dans un premier temps (1997-2002) aux entreprises industrielles de pouvoir cautionner jusqu’à un tiers de leur crédit d’investissement ou prendre en charge une partie des intérêts d’un tel crédit. Cette loi cantonale a été modifiée et autorise, dès 2003, une sphère d’intervention plus large en faveur des industries (cautionnement de crédits d’exploitation et de fonds de roulement, prise en charge d’une partie des frais de location).
    Là aussi, les exigences sont importantes et le suivi extrêmement serré, des audits et des mesures d’accompagnement pouvant même être exigées de l’entreprise dans certains cas. Les demandes sont examinées très attentivement par une commission d’experts externes (chefs d’entreprises, industriels, financiers, avocats, etc…) dont le préavis est déterminant. Mais le résultat de cette mesure est réjouissant. Environ une trentaine d’entreprises industrielles situées à Genève ont bénéficié de la LAPMI. Pour certaines, et non des moindres, cette aide leur a permis de passer un mauvais cap ou entamer un projet de développement important. Dans ces moments difficiles, certaines entreprises industrielles, prometteuses mais délaissées, ont même pu être sauvées grâce à la LAPMI.
       
  3. Enfin, troisième mesure, la création de la Fondation Start-PME, dotée d’un capital de 50 millions, afin de lui permettre encore une fois de cautionner des crédits mais également de prendre des participations (toujours minoritaires) dans de nouvelles entreprises prometteuses. A relever que l’une d’entre elles, ayant bénéficié d’un soutien momentané, mais déterminant lors du démarrage de ses activités, est en passe de devenir l’un des fleurons de la nouvelle industrie genevoise, active dans les technologies avancées.

 
Bien évidemment (et bien heureusement…), ces instruments d’aide aux entreprises ne constituent qu’un infime partie de l’ensemble du marché. En l’absence quasi totale d’alternative, l’existence de ces instruments est aujourd’hui reconnue comme indispensable. Mais tout aussi indispensable sera leur adaptation constante, comme cela s’est effectué récemment avec la LAPMI.

Tout aussi indispensable sont également devenus l’accompagnement de ces entreprises, et la création de conditions cadre encore plus spécifiques et plus pointues permettant l’émergence de nouvelles sociétés. C’est dans cette évolution que s’inscrit la très récente création de l’incubateur biotech Eclosion, soutenu financièrement par l’Etat, et dont le rôle consistera à permettre à des chercheurs universitaires et académiques actifs dans les biotechnologies de monter leur propre entreprise et les aider à trouver les fonds… privés nécessaires à leur développement. En d’autres termes s’est imposée la nécessité d’agir encore plus en amont dans le processus de création d’entreprise.


Jean-Charles MAGNIN
Directeur des affaires économiques

Département de l’économie, de l’emploi et des affaires extérieures (DEEE)
 

 

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