Forfaits fiscaux : tout est question de chiffres

par Charles Lassauce, Membre de la direction de la CCIG.

Le 30 novembre prochain, Suisses et Genevois seront appelés à voter sur deux initiatives visant à supprimer les « forfaits fiscaux », c’est-à-dire le système d’imposition d’après la dépense. De quoi s’agit-il en réalité ? Trois chiffres pour l’expliquer.

150 : c’est au bas mot le nombre d’années d’existence du système d’imposition d’après la dépense. Instauré par le canton de Vaud en 1862, il avait pour but de faire payer des impôts à de fortunés retraités qui séjournaient sur la Riviera. Afin d’évaluer l’impôt dû par ces personnes sans activité lucrative en Suisse, il a été décidé de se fonder sur leur train de vie. La simplicité du système a incité Genève et la Confédération, au début du 20e siècle, à adopter également ce système.

150 pourrait aussi être représentatif de la multitude de pays qui offrent également des systèmes fiscaux attractifs pour les personnes fortunées. Proche de nous, le plus connu est le statut de « résident non domicilié » britannique, comptant plus de 150 000 contribuables – à mettre en rapport avec les 5 650 « forfaitaires » que connaît la Suisse. Des pays tels que le Portugal, l’Espagne, l’Autriche, l’Italie ou la Belgique sont toutefois également des alternatives très intéressantes pour ces personnes  que ces initiatives cherchent à faire fuir de notre pays.

1 milliard : c’est, en francs, le montant des retombées fiscales générées annuellement par les 5 650 contribuables imposés à la dépense en Suisse. Pour Genève, le ratio est de 160 millions de francs pour 710 contribuables, soit 225 000 francs d’impôt pour chacun.

Pour apprécier ces chiffres, une mise en perspective avec la pyramide fiscale des contribuables genevois peut s’avérer instructive. On constate ainsi que moins de 1% des contribuables genevois a un revenu imposable supérieur à 400 000 francs. Ce 1% des contribuables rapporte plus de 23% de l’impôt personnes physiques. Le montant minimum de la dépense admis par le fisc genevois depuis plusieurs années étant supérieur à 400 000 francs, ces « forfaitaires » renforcent avantageusement l’assise fiscale genevoise et font partie des contributeurs essentiels au bon fonctionnement de l’Etat.

22 000 : il s’agit des emplois liés à la présence en Suisse des contribuables imposés selon leur train de vie, d’après une étude publiée par la Confédération. Le canton de Genève serait concerné à hauteur de 3000 postes de travail, dans tous les secteurs économiques (bâtiment, banque et finance, services à la personne, restauration, personnel de maison, etc.). Ce ratio d’emploi est très élevé, reflet de l’importance de ces acteurs économiques fortunés dont les dépenses annuelles, cumulées, se chiffrent à plusieurs milliards.

Beaucoup d’institutions culturelles, sociales et sportives se félicitent également de pouvoir compter sur le soutien financier de mécènes provenant des rangs des « forfaitaires ». Le volume de leurs activités, voire leur existence, est conditionné à ces apports.

Comme souvent, les chiffres sont aussi têtus que parlants.

Têtus lorsqu’on compare les 160 millions entrant annuellement dans les caisses de l’Etat grâce au système d’imposition d’après la dépense avec le famélique 1,1 million d’excédent de recette annoncé par le gouvernement genevois dans son projet de budget 2015.

Parlants lorsqu’on se rappelle que la votation du 30 novembre portera également sur l’acceptation d’un contreprojet durcissant les conditions d’octroi du « forfait fiscal » en portant le montant minimum de la dépense à 660 000 francs. Selon les simulations effectuées par l’administration fiscale cantonale, ce sont environ 40 millions supplémentaires pour l’Etat en cas de OUI à ce contreprojet et de rejet des initiatives.

Je sais compter. Pousser hors de Suisse des contribuables essentiels à nos finances publiques, générateurs d’emplois et consommateurs importants pour les entreprises locales de tous secteurs ne me semble pas une démarche apte à résoudre l’équation budgétaire qui nous est imposée pour les années à venir. Je glisserai donc dans l’urne : 2 NON aux initiatives voulant abolir les « forfaits fiscaux », 1 OUI au contreprojet et un évident CP (contreprojet) à la question subsidiaire !

 

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