Genève : Quelle économie pour quelle région ?

par Anna-Karina Kolb, Service des affaires extérieures du Département du territoire / Canton de Genève.

Un arbre dont la couronne se développe grâce au soleil de l'économie internationale, ne prospère que grâce aux racines qui acheminent vers l'arbre les substances draînées dans toute la région franco-valdo-genevoise, et donc les fruits de la croissance enrichissent la région dans sa globalité...

Telle est l'image de l'économie genevoise proposée par l'étude de l'institut genevois d'études économiques Eco'Diagnostic, sur mandat du Service des Affaires extérieures du Canton de Genève ("En quête de liens économiques transfrontaliers au sein de la région franco-valdo-genevoise" par Paul. H. Dembinski, Alain Schoenenberger et disponible sur www.geneve.ch/daext, sous "actualités").

Parue en mai 2005, l'étude trace les contours spatiaux de l'économie de la région et, surtout, met en évidence le hiatus entre le territoire du canton de Genève et l'étendue de son économie. Genève (canton) est l'une des quatre villes européennes dont le rayonnement est de loin supérieur à l'importance de sa population.

L'étude fournit aux acteurs politiques et économiques de la région un cadre de référence pour la compréhension du cadre macro-économique genevois et l'interprétation de nombreuses données ponctuelles qui existent par ailleurs.

Parmi les points développés par les auteurs, on retiendra les six éclairages suivants :
 

  1. Genève connaît une véritable métropolisation transfrontalière. La "Synthèse 2005" de l'Observatoire statistique transfrontalier (www.geneve.ch/statistique/actualites, communiqué du 21.12.05) annonce 737'000 habitants dans notre agglomération en 2001, avec une prévision pour 2025 à 950'000. Cette population se répartit sur 131 à 187 communes suivant les définitions statistiques.
  2. L'étude fournit des estimations chiffrées sur le poids que représente pour l'économie genevoise la demande externe (organisations et entreprises internationales, gestion de fortune et finance, négoce, bijouterie et horlogerie de luxe, etc.), ainsi que les forces et fragilités qui en découlent. Selon ces estimations, 50% de la valeur ajoutée (estimation du PIB genevois) découle directement de la demande mondiale, ce qui se matérialise par 39% des emplois (environ 100'000 sur les 270'000 places de travail existantes).
  3. L'économie genevoise fait amplement appel aux pendulaires (plus de 65'000 personnes), qu'ils soient établis dans le reste de la Suisse ou en France voisine. Ceci s'explique aussi bien par l'existence d'un bassin de recrutement naturellement transfrontalier que par un différentiel salarial important.
  4. Dans le processus de métropolisation, une spécialisation des territoires suisses et français  est de plus en plus clairement visible: l'international et les services au centre, les grandes surfaces, l'industrie, les logements et les espaces loisirs dans le canton de Vaud et en France voisine.
  5. Autre élément nouveau mis en évidence par Eco'Diagnostic, les relations inter-entreprises analysées sur la base d'entretiens approfondis avec des PME de toute la région. Les entretiens avec 51 PME de Genève (comptabilisant 2'865 personnes dont 946 frontaliers) et une vingtaine d'entreprises françaises conduisent à une conclusion claire :"… les relations transfrontalières entre les entreprises sont quasi inexistantes quel que soit le côté de la frontière où l'on se place." La grande majorité des entreprises travaille dans une logique supra-régionale, nationale, voire européenne; seules quelques petites entités s'intéressent au régional et au local. Les entreprises se rencontrent cependant toutes sur un point : la concurrence accrue sur le marché de l'emploi transfrontalier.
  6. Les accords bilatéraux, qui pourtant devraient faciliter l'accessibilité des marchés de part et d'autre de la frontière, ne stimulent point - pour l'instant - les relations transfrontalières de proximité, puisque pour des faibles montants ou des passages fréquents, les formalités douanières et fiscales restent lourdes. Ainsi la frontière qui parcourt la région est paradoxale : facile à franchir pour des grandes transactions au long cours, elle reste un obstacle pour les relations économiques transfrontalières de proximité.

 

Conclusion des auteurs : en raison de la persistance de la frontière et d'une absence de "gouvernance" politique régionale, les chocs subis par le cœur de l'économie régionale, notamment du fait de la variation de la demande externe, sont répercutés sur les régions limitrophes et y créent des externalités difficiles à gérer. En tête des recommandations formulées figure donc la mise sur pied d'instruments de gouvernance permettant à la région franco-valdo-genevoise de faire face à son statut de "métropole transfrontalière". Par exemple la co-gestion de certaines ressources, la définition d'un accord-cadre de développement de tissus économiques ou la prise en compte par les collectivités des interdépendances financières et fiscales ainsi que des effets externes.

 


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