Les fonds de placement : un maillon indispensable de la chaîne financière

par Alexandre Wieczorek, Responsable de l'Advisory desk des fonds de placement, Banque Privée Edmond de Rothschild SA .

La proposition de base des fonds de placement est simple et pourtant particulièrement ingénieuse : reposant sur le regroupement des avoirs d’investisseurs nombreux et d’horizons divers dans un véhicule financier commun géré par un gestionnaire ou une équipe de gestion unique, elle est avant tout une application parfaite des économies d’échelle. Les frais liés à la gestion d’un fonds peuvent être amortis parmi un nombre très élevé d’investisseurs, permettant ainsi à chacun d’entre eux d’accéder à une gestion professionnelle.

Outre ce postulat de base, les fonds de placement se sont également révélés offrir d’autres avantages importants. D’une part, les gérants peuvent se spécialiser dans des niches de marchés financiers, des classes d’actifs ou de stratégies particulières, et les investisseurs peuvent ainsi investir dans des créneaux habituellement difficiles d’accès. Cette approche est par exemple idéale, pour investir dans des domaines tels que les matières premières ou les marchés émergents. D’autre part, ce type de produit permet de résoudre des problématiques fiscales et administratives propres à la détention en direct de certains types d’actifs (comme par exemple les actions américaines ou les ″A-shares″ chinoises). Les fonds de placement sont par conséquent devenus aujourd’hui un outil financier incontournable pour la majorité des investisseurs.

Il y a néanmoins une difficulté de taille dans le domaine des fonds de placement : les gestionnaires de fonds, bien que tous professionnels dans leur domaine, ne se valent pas. Les performances historiques ne sont en outre qu’un indicateur très partiel pour juger de leur qualité. Un gestionnaire peut réaliser une performance remarquable sur 2 années en suivant le dernier thème d’investissement à la mode, mais ne pas savoir éviter une perte importante une fois le thème devenu moins populaire, ni réussir à adapter ses investissements à de nouvelles circonstances de marché. Il sera alors préférable de choisir un gérant peut-être moins flamboyant, mais capable de naviguer avec succès au travers de conditions de marchés très diverses. Ces différences de qualité ne pourront toutefois être décelées que par l’intermédiaire d’un processus d’analyse approfondi du gérant (due diligence). Ce processus consiste à passer en revue tous les aspects d’un fonds de placement : l’équipe de gestion, le style et la méthodologie d’investissement, la société de gestion et les systèmes opérationnels doivent être entre autres analysés afin d’appréhender les opportunités ainsi que les risques d’un éventuel investissement.
Une deuxième difficulté vient du fait que l’allocation doit être adaptée aux circonstances des marchés. Même un très bon gérant spécialisé sur les marchés émergents aura de la peine à générer de la performance attrayante si ces marchés baissent fortement. L’investisseur devra par conséquent faire des choix pour se positionner sur les marchés les plus prometteurs. Ces choix auront un impact important sur la performance réalisée par l’investisseur.

Investir dans les fonds de placement nécessite par conséquent une sélection minutieuse des gestionnaires, ainsi qu’un processus d’allocation approfondi afin d’être exposé aux classes d’actifs, marchés et thèmes d’investissement adéquats. La nécessité d’être investi ″avec les bonnes personnes dans les bons marchés″ n’est cependant pas propre aux fonds de placement, et doit être résolue pour tout type d’investissement. Dans le domaine des fonds, des fournisseurs de services peuvent y apporter une solution. De nombreux établissements financiers, y compris sur la place de Genève, ont développé des équipes de sélection de fonds, dans le but de répondre à cette problématique. Les investisseurs peuvent ainsi recourir à leurs conseils pour investir directement dans des fonds tiers, ou encore investir dans des fonds de fonds gérés par ces équipes. Ces fonds de fonds permettent de regrouper en un seul produit plusieurs fonds sous-jacents sélectionnés pour la qualité de leur gestionnaire et de leur structure, et leur allocation évolue et s’adapte en fonction des meilleurs gérants disponibles et des meilleures opportunités de marché. Ce type de produit s’efforce par conséquent de résoudre l’ensemble des problèmes qui se posent à un investisseur. Il peut également offrir des avantages supplémentaires, tel que l’accès à des fonds n’acceptant plus de capital de la part de nouveaux investisseurs, ou demandant des montants d’investissement trop élevés pour un investisseur individuel.

Les fonds de placement représentent depuis longtemps un type de véhicule d’investissement important pour la place financière suisse en général et la place financière genevoise en particulier. Le marché des actifs investis en fonds en suisse représente actuellement la somme de 650 milliards de francs suisses.
Cette activité se décline en un vaste nombre de métiers. Ceci inclut les métiers liés à la gestion des fonds de placement (gestionnaires de fonds, courtiers, analystes/gestionnaires de fonds de fonds) et à l’aspect opérationnel des fonds (middle-office, back-office, activité de dépositaire et d’administrateur). L’activité de gestion est bien représentée en Suisse, et la place genevoise déjà relativement active dans la gestion de fonds et de fonds de fonds a réussi en particulier à attirer ces dernières années certains des plus grands noms de l’industrie des fonds alternatifs anglais. D’autres métiers sont par contre peu représentés dans notre région, ou uniquement de manière indirecte par l’intermédiaire de filiales d’établissements genevois installées à l’étranger. Historiquement, la place luxembourgeoise a ainsi par exemple su jouer un rôle plus important dans l’activité de dépositaire et administrateur.

Les autorités de nombreux pays, y compris la Suisse, doivent décider ces prochains mois de changements réglementaires importants concernant le domaine des fonds de placement. Il faut espérer que ces développements n’altèrent pas l’attractivité de la place genevoise pour la gestion de fonds, un risque qui est loin d’être négligeable. Dans un monde qui se globalise de plus en plus ces changements pourraient amener la Suisse, et donc la place genevoise, à n’être plus qu’un acheteur de fonds de placements, sans plus être en position de n’en fournir aucun élément de la chaîne de production.

Genève, le 16 mai 2011

 

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