Les PME de la place financière étouffées par la sur-réglementation

par Edouard Cuendet, Membre du comité de l'UIPF.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir le problème des excès réglementaires et ses effets sur la place financière, il faut tout d’abord rappeler deux vérités importantes .

Premièrement, personne n’a autant intérêt à une bonne réglementation de la place financière que les banques elles-mêmes.  Un bon cadre législatif et réglementaire est un des meilleurs arguments pour promouvoir ce secteur d’activités, et ceci pour une raison bien simple : c’est la confiance qui le fait vivre.

En second lieu, il convient d’insister sur le fait que la plus grande partie des entreprises qui forment la place financière helvétique sont des PME.

Cela étant dit, il faut admettre qu’il y a un problème lorsque certains banquiers affirment qu’ils consacrent environ 30% de leur temps à des questions touchant à la réglementation ; lorsqu’au sein de nos banques, les services juridiques sont – et de loin – ceux qui grandissent le plus vite ; lorsque l’on constate que les collaborateurs des services opérationnels dédient une partie toujours plus importante de leur temps de travail à des tâches réglementaires.

Or, c’est exactement la situation dans laquelle se trouvent  à présent les PME du secteur bancaire et, d’une manière générale, toute la place financière.

L’an dernier, les banques suisses ont dû absorber pas moins de huit réformes majeures en matière de réglementations, avec notamment l’introduction de la très importante Ordonnance de la Commission fédérale des banques (CFB) sur le blanchiment d’argent, une révision de la Convention relative à l’obligation de diligence des banques et une révision des Directives de la CFB sur la présentation des comptes.

Mais cette liste pâlit à la lecture des mesures qui sont d’ores et déjà annoncées pour le proche avenir. Le site Internet du Département fédéral des finances énumère une trentaine de dispositions en préparation.
 
Et encore, il omet la mesure qui représentera, dans les mois à venir, à elle seule le plus gros défi pour notre secteur d’activité. On pense à l’application de l’accord – encore non signé – entre la Suisse et l’Union Européenne sur la fiscalité de l’épargne.

Cette tendance à une réglementation galopante pose un problème majeur, dans ce sens que les multiples instances qui entrent en jeu agissent trop souvent en ordre dispersé. Les mêmes états de faits se trouvent réglementés dans des textes différents. Il en découle des doubles emplois et des révisions incessantes du droit en vigueur. Cela s’est particulièrement vu en matière de lutte anti-blanchiment, mais le même phénomène menace, par exemple, dans le domaine boursier.

Tout ceci implique des coûts élevés en investissements financiers mais aussi en ressources humaines. De nombreux collaborateurs sont accaparés par des tâches non productives.  Ceci conduit à la paralysie. Les banques petites et moyennes sont les plus menacées, parce qu’elles doivent fournir un effort disproportionné pour assimiler les nouvelles normes et financer les appareils administratifs nécessaires. Ainsi, les réglementations conduisent à un phénomène de concentration qui va exactement à l’encontre des déclarations d’amour que le monde politique lance régulièrement aux PME.

Il est grand temps de réagir face à cette évolution inquiétante. Le législateur aurait les moyens de le faire en imposant aux autorités de surveillance l’obligation de procéder à deux types d’analyses avant l’adoption de toute nouvelle mesure réglementaire :
 

  • La première analyse consisterait à s’assurer que la mesure proposée s’insère dans un ensemble cohérent, afin d’éviter que le même sujet soit réglementé dans des textes différents et parfois contradictoires.
  • La seconde analyse – qui devrait être confiée à un organisme neutre – consisterait en une comparaison chiffrée des bénéfices que l’on attend de la nouvelle réglementation et de ses coûts.Ces analyses coûts/bénéfices sont déjà couramment pratiquées par des places financières de premier ordre, en particulier le Royaume-Uni.
     

Un tel pragmatisme ferait du bien à la Suisse. Il faut garder à l’esprit que les réglementations financières trouvent leur raison d’être dans le développement d’une place compétitive, pourvoyeuse d’emplois et créatrice de valeur ajoutée, non dans la promotion d’autorités de surveillance pointilleuses et déconnectées de la pratique.

Edouard Cuendet
membre du comité de l’UIPF

 

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