Suppression des droits de donation et de succession entre conjoints et parents en ligne directe

par Maître Pierre Mottu, Notaire à Genève.

Les articles 27A de la loi genevoise sur les droits d’enregistrement (LDE) et 6A de la loi genevoise sur les droits de succession (LDS) sont entrés en vigueur le 1er juin 2004. Ils prévoient respectivement la suppression des droits de donation et de succession entre conjoints et parents en ligne directe.

Aux termes de ces dispositions, doivent bénéficier de ces exemptions le conjoint et les parents en ligne directe, y compris l’enfant adopté. La notion de parents en ligne directe recouvre non seulement les descendants (enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants,…), mais aussi les ascendants (père, mère, grands-parents, arrière-grands-parents,…). En revanche, s’agissant des beaux-parents (belle-fille, beau-fils, belle-mère, beau-père), l’administration fiscale confirme qu’elle continuera de percevoir des droits doublés, calculés selon les barèmes de la première catégorie rappelés ci-dessous (art. 19, al. 6 LDE et 17, al. 6 LDS).

Ainsi donc, une donation, une institution d’héritier ou un legs en faveur d’une personne entrant dans le cercle des bénéficiaires décrit ci-dessus sera exonéré.

Pour mémoire, on rappellera qu’auparavant les donations consenties à l’intérieur de ce même groupe de personnes étaient taxées selon le barème suivant, le pourcentage étant prélevé sur la valeur du bien donné, sous déduction des dettes non prescrites du donateur mises à la charge du donataire, selon les tranches suivantes :
 

3%  
de Frs 10'001.-
 
à Frs 50'000.-
3.5%  
de Frs 50'001.-
 
à Frs 100'000.-
4%  
de Frs 100'001.-
 
à Frs 200'000.-
4.5%  
de Frs 200'001.-
 
à Frs 300'000.-
5%  
de Frs 300'001.-
 
à Frs 500'000.-
6% au-dessus de Frs 500'000.-

S’agissant des droits de succession entre enfants, père, mère et époux, ils étaient prélevés selon le barème suivant, par tranche et sur la part nette de chaque bénéficiaire (héritier/légataire) :
 

2%  
de Frs 5’001.-
 
à Frs 10'000.-
3%  
de Frs 10'001.-
 
à Frs 50'000.-
3.5%  
de Frs 50'001.-
 
à Frs 100'000.-
4%  
de Frs 100'001.-
 
à Frs 200'000.-
4.5%  
de Frs 200'001.-
 
à Frs 500'000.-
5%  
de Frs 300'001.-
 
à Frs 500'000.-
6%   au-dessus de Frs 500'000.-

Ces droits étaient applicables entre grands-parents et petits-enfants moyennant une majoration de 20%.

Les nouvelles dispositions permettent donc de supprimer la charge fiscale frappant les libéralités entre parents en ligne directe. Partant, elles les encouragent et favorisent la préservation du patrimoine familial. Par ailleurs, en matière successorale, l’article 6A LDS supprime la différence de traitement, rappelée ci-dessus, qui existait entre les relations parents - enfants et grands-parents - petits-enfants. Lors de la révision de la loi sur les droits de succession a également été supprimé le barème des droits moins favorables applicable entre époux sans enfants, effaçant ainsi la différence de traitement existant entre époux avec ou sans descendance.

Ces exonérations ne s’appliquent toutefois qu’à certaines conditions :

  • Tout d’abord, ne peuvent en bénéficier que les donations consenties et les successions ouvertes[1] après le 1er juin 2004;
  • Ensuite, tant l’article 6A LDS que l’article 27A LDE précisent que le défunt ou le donateur ne devait pas être au bénéfice d’une imposition d’après la dépense, anciennement appelée imposition au forfait, au sens de l’article 14 de la loi sur l’imposition des personnes physiques (LIPP-I)[2], selon l’une ou l’autre des trois dernières décisions de taxation définitives au jour du décès ou de la donation.

Même dans le cas où les droits de donation ou de succession ne sont plus perçus, l’administration fiscale demande toujours à être informée la valeur de la libéralité. Cette exigence lui permet d’avoir une idée de l’accroissement de la fortune du bénéficiaire, aux fins de l’imposition ordinaire.

La remarque qui précède n’est pas sans conséquence, s’agissant des biens immobiliers. En effet, en vue des impôts cantonaux et communaux sur la fortune,les immeubles sont évalués par des commissions d’experts. Leurs évaluations valent pour une période de dix ans, appelée période décennale. Toutefois, lorsque, pendant cette période, un immeuble est aliéné à titre onéreux ou à titre gratuit, ou dévolu pour cause de mort, la valeur d’aliénation ou la valeur de succession retenue par le département pour la perception des droits d’enregistrement et de succession se substitue à la valeur d’estimation pour le reste de la période décennale[3].

Cette réévaluation semble pouvoir être évitée dans trois situations particulières[4] :

  • pour les propriétés rurales, tant qu’elles sont exploitées à des fins exclusivement agricoles par le propriétaire ;
  • en cas de succession, pour le logement principal de la personne décédée, s’il est attribué en propriété ou en usufruit à un héritier qui faisait ménage commun avec elle, tant que cet héritier continue à occuper personnellement le logement comme résidence principale;
  • en cas de liquidation du régime matrimonial, pour le logement principal du couple attribué en propriété ou en usufruit à l’un des conjoints, tant que celui-ci continue à l’occuper personnellement comme résidence principale.

Les donations, institutions d’héritier et legs ont également une incidence sur les impôts cantonaux, communaux et fédéraux sur le revenu. Les revenus de la fortune, tels qu’intérêts d’avoirs bancaires et valeurs locatives d’immeubles accroissent le revenu de leurs bénéficiaires qui verront de ce fait leur charge fiscale augmenter.

Il faut toutefois ajouter que la prudence est de mise dans le domaine sensible de la fiscalité. En effet, la suppression des droits de donation et de succession a fait diminuer les recettes de l’État. Il se peut donc que l’administration se révèle plus intransigeante, notamment en matière de réévaluation des biens immobiliers, afin de compenser, dans une certaine mesure, le manque à gagner.
 


[1] La succession s’ouvre par la mort du disposant » (art. 537, al. 1 CC).
 
[2] Les personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence d’au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse, sans y exercer d’activité lucrative, ont le droit, jusqu’à la fin de la période de taxation en cours, de payer un impôt sur la dépense, au lieu des impôts sur le revenu et la fortune. Lorsque ces personnes ne sont pas des ressortissants suisses, le droit de payer l’impôt calculé sur la dépense peut être accordé au-delà de cette limite. »
 
[3] Article 9 de la loi genevoise d’imposition des personnes physiques – impôt sur la fortune (LIPP-III).
 
[4] Article 9 alinéa 4 LIPP-III.
 

 


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