Un indispensable apport aux finances cantonales

par M. Pierre Poncet, Président de la CCIG.

Après le Conseil des Etats, le Conseil national a, début mai, suivi la position du Conseil fédéral et refusé l’initiative populaire demandant l’abolition de l’imposition d’après la dépense. Improprement appelée « forfaits fiscaux », cette forme d’imposition fait l’objet d’un grand nombre d’idées reçues aussi erronées les unes que les autres parmi la population.

Tout d’abord, nombreux sont ceux qui croient que la quotité d’impôts payée résulte d’une négociation avec l’administration et, en conséquence, est arbitraire. Il n’en est rien. En effet, la loi pose des conditions strictes pour son application : le contribuable doit être étranger, il est assujetti pour la première fois en Suisse ou après une absence de dix ans au moins et il ne doit pas exercer d’activité lucrative dans le pays. Ensuite, Pour déterminer la dépense annuelle globale qui servira de base à l’imposition, l’administration prend en compte, notamment, le loyer de l’habitation, les frais d’écolage, de voyages et de loisirs, les salaires des employés de maison.

Suite à une récente réforme de l’IFD, cette assiette de l’impôt correspondra, dès 2016, au minimum à une dépense de 400 000 francs ou à sept fois la valeur locative ou le loyer du logement occupé. Le plus élevé de ces trois montants est retenu comme assiette fiscale.

Le système de l’imposition d’après la dépense est connu dans l’ensemble de la Suisse. Il revêt toutefois une importance variable selon les cantons. Plus de 75 % des contribuables imposés d’après la dépense sont domiciliés dans les quatre cantons de Vaud, Valais, Tessin et Genève. Les recettes générées représentent entre 2,5 % et plus de 3 % des revenus fiscaux des personnes physiques pour ces cantons.

Genève, pour sa part, en tire annuellement un montant de l’ordre de 114 millions, répartis entre canton (86 millions) et communes (28 millions). A ces chiffres, il convient d’ajouter les revenus fiscaux provenant des successions et donations, car les contribuables imposés d’après la dépense ne bénéficient en effet pas des exonérations prévues pour le conjoint survivant et les parents en ligne directe. En moyenne, de 2004 à 2010, ce sont annuellement 54 millions qui ont été perçus par le fisc.

Ce sont donc quelque 160 millions par an qui tombent dans les caisses de la collectivité de la part de ces 710 contribuables. A titre de comparaison, 74 000 contribuables, soit 30 % du total, ne paient pas d’impôts à Genève…

Renoncer au système d’imposition d’après la dépense conduirait au départ d’au minimum 350 des plus gros contribuables cantonaux, vraisemblablement davantage au vu du taux d’imposition élevé de la fortune à Genève. Zurich en fait l’expérience en 2009 : la moitié des contribuables concernés a quitté le canton du jour au lendemain.

Outre l’impact qu’une abolition aurait sur les finances cantonales, il faut également être conscient que les répercussions se feraient aussi sentir en termes d’emplois. Grands consommateurs de biens et services, ces contribuables génèrent près de 3000 emplois selon les estimations de la Confédération. En outre, beaucoup de fondations et d’organismes d’utilité publique bénéficient de leurs dons. Ceux qui avancent des arguments de morale et d’équité pour militer pour la suppression de ce régime fiscal feraient donc bien d’y regarder à deux fois…

Enfin, il faut se rappeler que tandis que, dans ce pays, on aime à disserter sur la moralité de l’imposition d’après la dépense, d’autres font actuellement la propagande d’un tel système pour attirer chez eux ces riches contribuables : le Portugal, le Royaume-Uni, Monaco ou encore la Belgique. Alors que ces pays n'envisagent pas une seconde de supprimer leur système national, ne renonçons pas à l'institution du forfait fiscal qui contribue à notre compétitivité en comparaison internationale.

Genève, le 27 mai 2014

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