Les journaux en ont parlé durant des semaines. Je ne parle pas là de Carla ou de Cécilia mais des polémiques successives concernant le secret bancaire, la concurrence fiscale, la fureur allemande et les états d’âme de l’Union européenne à l’égard d’une Suisse qu’ils jugent trop attractive en matière fiscale.
L’ancien ministre allemand en charge des Finances, Hans Eichel, a ouvert les feux après que l’Allemagne ait annoncé être en possession d’informations au sujet des comptes bancaires de ses ressortissants au Liechtenstein. Renseignements obtenus à coups de millions payés à un informateur peu scrupuleux….
Mais cela n’aurait pas dû nous étonner ! L’Allemagne a adopté, en 2005, une " loi sur l’encouragement à l’honnêteté fiscale ". En fait d’encouragements, il s’agissait surtout de doter ce pays des dispositions légales lui permettant de consulter à loisir les comptes bancaires de ses contribuables. L’idée de manœuvre, à l’époque, était de traquer l’évasion fiscale dont nous devons nous souvenir qu’elle n’est pas un délit pénal en Suisse, mais qu’elle l’est en Allemagne.
On n’a pas grand peine à imaginer les effets sur les contribuables. Cet " encouragement " porte un nom, celui d’" Etat fouineur ". Et les effets n’ont pas manqué de se faire sentir comme on l’avait déjà constaté en France, en 1981, lorsque les socialistes arrivés au pouvoir avaient introduit le contrôle sur les mouvements de capitaux : les contribuables franchissent les frontières par tous les moyens et partent à la recherche de cieux fiscaux plus cléments. Résultat : le pays concerné s’appauvrit. Les Français, devenus plus raisonnables à l’époque, levèrent les mesures contreproductives. Les Allemands, eux, se laissent entraîner dans une spirale de mesures toujours plus coercitives et aux effets pervers de plus en plus importants.
Une politique fiscale équitable ne peut s’inscrire que dans la confiance. Celle de l’Etat à l’égard de ses contribuables mais aussi et surtout celle des citoyens à l’égard de l’Etat. Chacun sait que l’impôt est indispensable. Mais le degré d’acceptabilité par rapport au montant à acquitter dépend de la capacité de l’Etat à trouver le juste équilibre entre toutes les catégories de contribuables et surtout de sa volonté de démontrer que les deniers publics sont dépensés avec parcimonie et à bon escient. Lorsque les citoyens sentent la confiance rompue, ils tentent d’esquiver le fisc de façon plus ou moins systématique.
L’Allemagne n’échappe pas à la règle. Ce n’est pas la Suisse ou le Liechtenstein ou n’importe quel Etat plus accueillant qui devrait être montré du doigt. C’est le système fiscal allemand, l’atmosphère de chasse aux contribuables qui règne dans le pays car ces deux éléments encouragent en premier lieu l’évasion fiscale.
Qu’un ancien ministre des finances se permette de se répandre en invectives et en menaces dans les médias suisses n’améliore pas la situation. Non pas que les Suisses soient particulièrement touchés – notre pays avait déjà été traité par le même ministre, alors en fonction en 2002, de " Fluchtburg für Steuerbetrüger " que l’on pourrait traduire par cité-refuge pour fraudeurs du fisc ! Il est vrai qu’alors, l’Allemagne voulait absolument convaincre la Suisse d’accepter la directive sur la fiscalité de l’épargne concoctée par l’Union européenne. Notre pays a adopté la directive, en signe de bonne volonté à l’égard de l’Union européenne et en reprenant les dispositions souhaitées par cette dernière.
Ce sont les citoyens allemands qui pourraient s’inquiéter en revanche des conséquences financières, pour leur pays, de cette chasse aux sorcières.
La Suisse connaît le secret bancaire. Mais elle applique aussi les dispositions les plus sévères en matière de lutte contre " l’argent sale ". La Suisse n’est pas un paradis fiscal. Mais elle aura toujours à subir les attaques des " enfers fiscaux " car il est plus facile de tirer sur le voisin que de réformer sa propre politique…. Et pourtant, tous les ministres des finances du monde, quelle que soit la taille de la collectivité publique concernée, le savent : " Trop d’impôt tue l’impôt ". Les économistes citeront la célèbre courbe de Laffer qui en fait la démonstration. Personne n’a jusqu’ici pu contester sérieusement ce principe. On peut seulement y ajouter un second principe : " Trop de contrôle fait perdre tout contrôle! ".
Genève, le 31 mars 2008