Entre start up et multinationale, quelle est la taille idéale d’une entreprise ?

par Blaise Matthey, Directeur général de la Fédération des Entreprises Romandes Genève (FER Genève).

“Big is back”, titre The Economist du 29 août 2009. Depuis le bestseller "Small is beautiful" de E. F. Schumacher, paru en 1973, et qui a influencé toute une génération d’économistes, un brin de méfiance à l’égard des superstructures s’est fait jour. Le développement des nouvelles technologies de communication, ainsi que l’ouverture des marchés par le biais de la dérégulation, ont d’ailleurs permis l’éclosion d’une multitude de start up florissantes. Il est tentant de penser que le salut viendra de PME vivant sur un mode innovant et flexible à l’extrême.

La réalité est un peu différente. Si l'écrasante majorité de l'économie est composée de PME, les grands employeurs sont pour l'essentiel des entreprises d'une taille respectable. Et si beaucoup de ces noms prestigieux, comme Pan Am, ont disparu, d’autres, comme Nestlé, Novartis, Procter et Gamble, Toyota, ne cessent de fleurir. Travailler pour ces sociétés s’avère être gratifiant, leurs employés bénéficiant de conditions de travail qui sont généralement meilleures que celles que peuvent offrir des PME.

La bonne nouvelle, c’est que ces grandes structures tiennent maintenant compte avec beaucoup de soin de leur environnement économique, social et politique. Elles effraient moins par leur puissance que dans le passé. Le risque d'image est en effet tellement globalisé qu'elles ne peuvent plus se permettre d'ignorer à qui elles sous-traitent leur production, raison pour laquelle les chaînes de production sont de plus en plus ramenées à l’interne. Cet important facteur est accompagné d’un autre développement : de nombreuses compagnies ont désormais compris comment garder en leur sein une âme d’entrepreneur tout en étant de grande taille, ce qui profite à leur créativité.

Mais le plus intéressant, et peut-être le plus inquiétant, c'est que cette prise en compte s'accompagne d'un effet indirect qui favorise les grandes structures, effet qu'elles n'on pas forcément désiré et qui peut être de nature à créer des distorsions concurrentielles. Dans le monde entier, les dérives de certaines grandes entreprises, comme Enron, ont conduit à un très net renforcement des législations, au point que même l'association de quartier n'échappe plus à une réflexion sur sa gouvernance. Tout cela a un coût que les grandes structures peuvent absorber plus facilement que les plus petites, lesquelles ne peuvent cependant pas échapper à la réglementation. Le danger de créer indirectement de nouveaux monopoles, par le jeu de l'excès législatif, est donc bien réel.

Il s'agit d'y veiller en rappelant que toutes les grandes entreprises ont d'abord été petites ; l'inverse est moins vrai. Apple et Microsoft ont vu le jour dans un garage qu'elles ont quitté depuis longtemps. Elles n'auraient pu d'ailleurs y survivre. La clé de leur réussite, et de leur croissance, tient peut-être au fait qu'elles se sont simplement concentrées sur leur core business, sans essayer de diversifier leurs activités à l'infini. Et c’est en poursuivant une ligne stratégique simple, mais hautement flexible et modulable – pensez à l'iPhone -, qu’elles ont grandi.  Une chose est sûre cependant : la réglementation, certes touffue dans ce domaine, ne les a pas empêchées de croître face aux géants de l'époque, ce dont chacun se félicite en ouvrant son PC.

Pour que le small demeure beautiful, et puisse un jour produire du big, il faut donc non seulement s'assurer que la concurrence règne sur les marchés, avec des règles spécifiques à cet égard, mais aussi faire en sorte que le reste de la législation ne soit pas conçu de telle manière à empêcher les nouveaux acteurs d'y entrer. C'est le sens des combats contre des réglementations inadaptées qui sont menés par tous ceux qui croient en une économie libérale construite autour de la diversité. Dans l'intérêt de tous : big and small are beautiful.

 

Genève, le 15 septembre 2009

 

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