Plan de relance genevois : le contribuable reste le chaînon manquant
(Le texte intégral de cet article est disponible à sur www.swissprivatebankers.com/fr/gbpg/lettre)
En cette période troublée de crise économique (la contraction du PIB helvétique devrait être proche de 2.2% en 2009 d’après le SECO), l’économiste anglais John Maynard Keynes (1883 – 1946) revient sur le devant de la scène. Les théories de cet homme qui a vécu la crise de 1929 apportent une approche intéressante des mécanismes de récession et de reprise économique.
Keynes voyait comme cause du chômage et du ralentissement économique une insuffisance de la demande de biens. Cette insuffisance engendre une diminution des revenus des producteurs, c’est à dire des entreprises. Ces dernières réagissent en réduisant leur capacité de production, notamment par le biais de licenciements, induisant par là une baisse de revenus chez les travailleurs et les consommateurs. Cette diminution des revenus provoque à son tour une nouvelle baisse de la consommation et ainsi de suite.
Pour cet économiste, un levier essentiel qui permet de peser sur les cycles économiques réside dans les dépenses d’investissement. Les grands projets mobilisent l’épargne inutilisée et maintiennent la capacité de production. Les revenus générés pour les entreprises et les salariés viennent alors soutenir la consommation. Plus généralement, tout encouragement à la dépense est apte à relancer l’économie.
Les mesures de relance à Genève
a) la fonction publique
A Genève, la première action de relance de la consommation a concerné les membres de la fonction publique cantonale et municipale en Ville de Genève. Ils ont bénéficié de mesures favorables touchant leur revenu et leurs conditions de travail. Au niveau cantonal, on pense notamment à la modernisation du statut par le biais d’une introduction généralisée du 13ème salaire. Cette réforme a entraîné des dépenses de fonctionnement d’environ CHF 90 millions pour 2009.
b) les infrastructures
Parmi les mesures de relance classiques, on pense avant tout aux projets d’infrastructures. Keynes les considère comme un excellent moyen de relancer l’économie par le biais du fameux effet multiplicateur. Cent francs investis se trouvent dépensés à nouveau par celui qui les a gagnés et ainsi de suite.
A Genève le Département des Constructions et technologies de l'information (DCTI) s’est à juste titre, montré ambitieux et a fait voter une enveloppe globale d’environ 700 millions de francs dédiée pour 2009 aux projets d’investissements. Malheureusement, il est vain de voter des budgets si ces initiatives ne peuvent être réalisées en raison d’oppositions. Par définition, un plan de relance n’est efficace que s’il s’applique durant la crise. Il perd son effet anticyclique si les blocages en repoussent l’exécution.
En l’occurrence, les oppositions s’accumulent : le projet Praille-Acacias-Vernets (PAV) fait l’objet d’une contestation de la mesure de déclassement en Ville de Genève par referendum. Le projet d’extension de l’OMC, le financement complémentaire du CEVA et la traversée de Vésenaz sont eux aussi visés par un referendum.
c) les entreprises
Les entreprises ont également bénéficié de mesures de relance, par le biais d’une augmentation des moyens octroyés à la Fondation d’aide aux entreprises (FAE). En faveur du commerce, la Commission de l’économie du Grand Conseil a voté un projet de loi améliorant les horaires d’ouverture des magasins. Malheureusement un référendum est d’ores et déjà annoncé…
En analysant ce catalogue de mesures, on peut regretter que le Gouvernement n’ait pas exprimé son ferme soutien à la place financière qui constitue pourtant le premier secteur économique de notre canton avec près de 30'000 emplois. Or cette activité cruciale subit non seulement la crise de plein fouet mais voit ses conditions cadre attaquées par de nombreux concurrents, sous des prétextes hypocrites. Un signal fort du Gouvernement aurait été utile dans ce combat pour des marchés très convoités.
Réforme de la fiscalité : la relance indispensable
Il manque encore un pilier essentiel à ce catalogue keynésien : les incitations fiscales. Comment prétendre encourager la consommation en taxant si lourdement ceux qui consomment ?
Le peuple genevois sera appelé à se prononcer le 27 septembre prochain sur la loi récemment adoptée par une très large majorité du Grand Conseil. Ce texte réforme l’imposition des personnes physiques et allège avant tout la fiscalité des familles. Notons que dans une optique keynésienne, les familles sont les contribuables les plus aptes à répercuter intégralement leurs économies d’impôts dans la consommation. Au total, 65% des contribuables genevois verront leurs impôts diminuer.
Pour une levée des blocages et un plan de relance symétrique
A Genève, la problématique des investissements et du soutien à la consommation dépasse largement la simple application des théories keynésiennes.
Les projets d’infrastructures actuellement bloqués sont des réalisations nécessaires pour la relance, mais aussi pour doter notre canton de perspectives favorables en matière de logements, de zones d’activités économiques et de rayonnement international.
Par ailleurs, il n’est pas souhaitable de maintenir une asymétrie entre les deux cercles de personnes que la relance par la consommation peut concerner. D’un côté, on trouve la fonction publique dont la situation a été améliorée par une modernisation du statut. De l’autre, se situent les contribuables et les familles, qui attendent une baisse de la fiscalité. Le rétablissement d’un certain équilibre est suspendu au résultat d’une votation populaire le 27 septembre 2009.
Genève, le 27 août 2009