Quelques considérations sur la révision totale de la Constitution genevoise

par Fabienne Gautier, Présidente de l'Union des intérêts de la place financière lémanique.

A la question de savoir si la Constitution genevoise devait faire l’objet d’une révision totale les députés, à une large majorité, ont répondu par l’affirmative en adoptant la loi constitutionnelle modifiant la Constitution de la République et canton de Genève, intitulée Une nouvelle Constitution pour Genève. Cette loi fixe le principe, les modalités et les règles pour une révision complète de la Constitution. Elle prévoit de confier cette tâche à une Assemblée constituante.
L’importance d’un tel choix se doit d’être soulignée. En effet, les députés auraient aussi pu  s’attribuer cette mission. Or, ils ont préféré impliquer la société civile. En d’autres termes, le Grand Conseil a estimé que la révision totale de la Constitution ne devait pas être l’affaire uniquement des partis politiques mais devait être ouverte à tous.
Cette option a été très largement approuvée par les Genevois, puisque près de 80% de la population a accepté la loi précitée le 24 février dernier.
Les électeurs retourneront aux urnes le 19 octobre prochain pour désigner les 80 citoyens qui composeront l’Assemblée constituante. Ces derniers auront 4 ans pour remettre leur copie qui sera soumise au vote populaire. En cas de refus, la loi prévoit que la révision totale aura échoué. Dit d’une autre manière : 4 ans de travaux pour rien !
Pour mener à bien sa mission, l’Assemblée constituante aura le droit de consulter tous les documents nécessaires, d’auditionner les membres des Exécutifs, et ce tant au niveau cantonal que communal, ainsi que de s’assurer le concours d’experts. Le public devra être régulièrement informé de l’avancement des travaux. Enfin, elle disposera d’un Secrétariat général qui lui fournira l’appui nécessaire à l’exécution de ses travaux, notamment au niveau juridique.
Il n’est nullement besoin d’être devin pour affirmer que cette belle aventure coûtera très cher, probablement plusieurs millions, si l’on tient compte d’expériences similaires vécues dans d’autres cantons ainsi que de certaines spécificités genevoises qui ont notamment pour effet que ce qui se fait à Genève coûte généralement beaucoup plus cher qu’ailleurs.
C’est à l’Assemblée constituante que reviendra la lourde tâche d’édicter son règlement de fonctionnement. La loi précisant simplement qu’elle s’organise en commissions, dont une commission de rédaction. Et c’est là que réside la difficulté rencontrée par de nombreux candidats potentiels à la candidature : il est pour l’heure pratiquement impossible de prévoir le temps que chaque constituant devra consacrer à son mandat. Par comparaison avec les Assemblées constituantes vaudoise et fribourgeoise, il peut être estimé à environ 1 à 1.5 jours par semaine.
 
Le jeu en vaut-il la chandelle ?
A quelques exceptions près, chacun s’accorde à dire que notre Constitution qui date de 1847, ce qui en fait la doyenne d’âge de toutes les Constitutions cantonales, doit faire l’objet d’une révision complète. Pour rappel, la première Constitution fédérale est entrée en vigueur en 1848. Genève est le dernier canton suisse, avec le Valais a ne pas avoir réécrit sa Charte fondamentale. Certes, depuis 1847, cette dernière a fait l’objet de multiples révisions partielles qui ont eu notamment pour conséquence que notre Constitution souffre, et c’est le moins que l’on puisse dire, d’un manque de lisibilité. Andreas Auer, Professeur de droit constitutionnel et ancien Président de l’association « Une nouvelle Constitution pour Genève » n’a d’ailleurs pas hésité à qualifier son état de moribond, de pitoyable*.  
 
A sa lecture, parfois pénible, il apparaît en effet rapidement qu’elle contient beaucoup de dispositions de détail sur des questions qui relèvent par leur contenu, de la loi et non pas d’une Charte fondamentale.
Les membres de l’Assemblée constituante auront une mission importante à accomplir, à savoir redonner à Genève une Constitution digne de ce nom.
C’est ici l’occasion de rappeler ce que devrait être la Constitution, soit la loi fondamentale qui régit la société d’aujourd’hui et qui anticipe son évolution. Elle fournit le cadre clair, lisible et efficient dans lequel s’organise notre régime démocratique. Elle véhicule le projet d’un Etat de droit libéral dans lequel les droits correspondent à des devoirs, et les libertés à des responsabilités.
Quant aux principes directeurs qui doivent se dégager de la Constitution, on peut notamment citer l’obligation pour le canton d’assumer une responsabilité envers les générations futures et de s’engager dans les trois volets du développement durable que sont l’économie, l’environnement et le social. Le canton doit établir des conditions-cadre qui favorisent le développement économique, autrement dit qui permettent aux entreprises existantes de prospérer ainsi que la création d’entreprises. L’importance du partenariat social et de la Genève internationale devra aussi être consacrée dans la Constitution.
Il apparaît ainsi que, et même si la marge de manœuvre est étroite en raison notamment de la supériorité du droit fédéral, les travaux qui vont être entrepris par l’Assemblée constituante, ou plus précisément leurs conséquences sont importants, notamment pour l’économie et donc pour la place financière.
C'est pourquoi les milieux économiques et financiers s'impliqueront activement dans cette belle aventure, conscients qu'ils sont, de la nécessité de doter notre canton des meilleures conditions cadre possibles.
 
Genève, le 3 juillet 2008
* Andreas Auer ; Enquête sur une norme moribonde : la Constitution genevoise ; Semaine judiciaire ; avril 1999 ; p. 81 et ss.
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