La Fondation Pictet pour le développement lance un centre "Finance et Développement" avec l’IHEID

par Melchior de Muralt, Vice-Président de la Fondation Pictet pour le développement.

Si tout le monde consommait comme un américain moyen, il nous faudrait presque 5 planètes pour que nos ressources puissent répondre à cette demande! A l’inverse, quatre milliards d’individus (plus de la moitié de la population) sont loin du taux moyen de développement humain en termes d’accès au système de santé, d’éducation et de pouvoir d’achat. La notion de développement durable dépasse la seule question de l'environnement car elle intègre la justice sociale, la démocratie et l'efficacité économique. Si les niveaux de consommation des pays développés étaient maintenus et si les pays émergents se mettaient au même niveau, l'impact sur les réserves d'eau, sur l'air, le climat, la biodiversité et la santé humaine deviendrait insupportable.

Seul un développement durable, ainsi qu’une réelle collaboration entre acteurs publics et privés, permettra de répondre aux grands défis de la mondialisation. Pensons à la croissance démographique (en 1800 notre planète comptait 900 millions d’habitants, nous serons presque 10 milliards en 2100). Ou encore, à la capacité de la planète, que ce soient les ressources agricoles et énergétiques non renouvelables, le réchauffement, les cycles naturels menacés qui affectent l’eau douce, la forêt et la biodiversité. Et enfin, à la cohésion sociale : 80% des ressources naturelles consommées par 20% de la population engendrent tensions et conflits. La pénurie d’eau est déjà une réalité quotidienne pour 40% de la population mondiale. Selon des estimations de l’ONU, 1,2 milliard de personnes n’a pas accès à l’eau potable et 2,4 milliards n’ont pas accès à son assainissement de base. Tous les ans, près de 2 millions d’enfants meurent de maladies causées par l’eau contaminée. Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation définissait cette situation comme un "génocide silencieux".

Genève, place financière et place internationale se trouve à un carrefour très privilégié pour donner des réponses concrètes à ces défis. En effet, depuis plus de 10 ans, les initiatives commerciales de sa place financière en la matière foisonnent : des fonds Ethos à ceux spécialisés dans l’eau pour ne citer que ces deux initiatives. La création de Sustainable Finance Geneva (SFG) et du World Microfinance forum Geneva (WMFG). La Fondation Schwab for "Social entrepreneurship" qui a tout simplement inventé voici 10 ans le terme d’ "entrepreneur social", nouvel hybride promis à un grand avenir. Le rôle de leader de Genève dans le développement de produits d’investissement dans le secteur de la micro-finance et, plus récemment, celui des entrepreneurs sociaux au sens large, illustre bien la créativité de notre place financière. Genève démontre que le marché des capitaux, avec son exigence de risque et de rendement et sa redoutable discipline, peut, en s’alliant avec des entrepreneurs sociaux visionnaires et courageux, contribuer à résoudre des problématiques de développement telles que celles de la pauvreté, de l’accès à la santé, à l’eau potable, à l’énergie etc… Les acteurs privés tant entrepreneurs qu’investisseurs, prolongent désormais les efforts de coopération au développement des Etats. Et les investisseurs participant à cette nouvelle frontière de la finance et du développement sont de grands fonds de pensions internationaux et des family offices, nouveaux acteurs privés sur le terrain de la finance du développement, qui trouvent à Genève des éléments de réponse à ces enjeux d'importance. Aujourd’hui, le portefeuille des acteurs genevois de la micro-finance dépasse largement celui de l’IFC (bras armé de la Banque Mondiale), ce qui illustre bien la puissance de cette nouvelle dynamique. Bien d’autre secteurs, comme l’eau, la santé, la construction, l’énergie, l’éducation, offrent un terrain fertile pour la créativité des entrepreneurs sociaux et un nouvel horizon pour le monde de la finance. Plusieurs fonds se sont montés ces deux dernières années à Genève afin de financer ces "entrepreneurs sociaux". L’endettement des Etats et leurs moyens plus que jamais limités face aux enjeux colossaux du développement durable, ne fera qu’accélérer cette tendance et renforcer la nécessaire collaboration entre le secteur privé et le secteur public.

C’est afin de mieux comprendre cette dynamique entre acteurs du développement public et privé et dans ce contexte fertile d’innovation de la place financière, que la Fondation Pictet pour le développement est née. Elle souhaite notamment promouvoir au sein de l’IHEID un centre de "Finance et de développement". Ce centre aura pour but de regrouper autour de deux à trois chaires, un ensemble pluridisciplinaire de compétences liées à cette thématique. Il devra stimuler la recherche fondamentale et appliquée dans ce domaine, offrir de l’expertise et des modules de formation continue et, de manière générale contribuer par ses analyses à la prise de décision stratégique des acteurs privés et publics. Il contribuera à renforcer la richesse de la Genève internationale et de sa place financière en favorisant une fertilisation croisée entre ces deux pôles, par une contribution académique de premier plan. Il permettra enfin, de former une nouvelle génération de professionnels qui pourront naviguer entre ces deux mondes de la finance privée et publique du développement.

 

 

Genève, le 22 octobre 2010

 

copyright

© UIPF - Union des intérêts de la place financière lémanique