Les crises constituent également des opportunités !

par Pierre G. Mirabaud, Président de l'Association suisse des banquiers (ASB).

C’est d’annus horribilis que la reine Elisabeth II a qualifié l’année 1992 qui a vu le château de Windsor ravagé par un incendie. Pour le secteur financier, l’annus horribilis sera certainement l’année 2008. Si les pompiers ont su préserver le château de Windsor d’une destruction complète, l’action concertée des pompiers de la finance, en l’occurrence les banques centrales, est parvenue à éviter le pire pour la finance mondiale.

Et c’est à nouveau ce qui s’est produit mi-septembre. La crise financière a atteint un nouveau point culminant. Des banques d’investissement jadis florissantes ont été contraintes de déposer leurs bilans, des « géants » dans le domaine des assurances ont cherché la protection de la banque centrale américaine, et les cours des actions de grands établissements financiers ont atteint de nouveaux niveaux planchers. Toutefois, je ne tiens pas à me laisser obnubiler par les événements du moment. Je souhaite en effet aborder cette crise financière avec un peu de distance, et regarder au-delà de l’actualité.

Les origines de la crise ont déjà fait couler beaucoup d’encre: gestion des risques inadaptée, systèmes d’incitation erronés et avidité, voilà quelques-uns des reproches souvent formulés. Des fautes ont été commises pour lesquelles nous devons tous payer. C’est là un fait incontournable. Ce qui m’a le plus dérangé, c’est que le bon sens semble s’être perdu dans une espèce de mouvement grégaire. Nos concitoyennes et concitoyens ont aujourd’hui du mal à le comprendre.

Rétrospectivement, la critique est certes aisée et il est facile de se demander pourquoi nous n’avons pas vu la catastrophe arriver. Il y a cinq ans, les opérations de financement réalisées par la mise à disposition de fonds de tiers étaient pratiquement gratuites, les investisseurs achetaient aveuglément tous les titres à haut rendement, les banques finançaient des rachats à des conditions de plus en plus hasardeuses et les investisseurs se pressaient en grand nombre pour reprendre des dettes. On a encouragé le développement d’instruments financiers toujours plus sophistiqués qu’on pouvait aisément placer auprès des investisseurs dans la mesure où les risques étaient totalement occultés. En résumé: les risques étaient bien existants dans le système, pas auprès de ceux qui pouvaient le mieux les gérer mais au contraire auprès de ceux qui les comprenaient le moins. La stabilité du système financier était alors considérée comme définitivement acquise. Les financements par le biais de crédits n’ont cessé d’augmenter même si on savait fort bien que cette situation ne pouvait pas durer. Puis subitement, on a assisté à un effondrement total de la demande de certains types d’obligations, mettant brutalement fin à une période de grande euphorie dont les effets se font encore sentir aujourd’hui.
 

Malheureusement, ces turbulences n’ont pas épargné la Suisse.

 

Quels enseignements tirer de cette crise?

 

La sphère privée reste primordiale

Un tout dernier mot enfin à propos du Masterplan, ce projet très ambitieux que nous avons lancé il y a une année maintenant conjointement avec l'ASA, la SFA et le "SIX Group", afin de redynamiser notre place financière. Nous avons très vite mis sur pied un certain nombre de groupes et de sous-groupes de travail liés à ce projet, afin de mettre en œuvre les mesures que nous préconisons. Je voudrais en particulier mentionner le "Steuerungsausschuss Dialog Finanzplatz Schweiz" ou STAFI qui a associé aux promoteurs du projet des hauts représentants de l'Administration fédérale, de la CFB, de l'OFAP et de la BNS. Les premiers résultats obtenus, qui ont été rendus publics tout récemment, sont très encourageants et constituent une avancée certaine par rapport au droit existant. Je voudrais donc remercier vivement pour leur engagement toutes celles et tous ceux qui, souvent dans l'ombre, ont participé activement à cet énorme travail.

Même si nous avons atteint beaucoup de nos objectifs, nous ne devons pas nous arrêter à mi-chemin en ces temps difficiles.

Le 29 septembre 2008

 

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