Fiscalité des donations

par Renaud Gautier, Député.

En 1897, quelques Genevois déterminés fondaient la Société auxiliaire du Musée. Ils s’étaient fixé un objectif clair, ambitieux : mobiliser et convaincre leurs concitoyens de rassembler les collections artistiques, historiques et archéologiques de la Ville - alors dispersées, mal mises en valeur - en un véritable Musée, digne de notre Cité.

 

Cet engouement et ce respect de l’art amenèrent les Genevois, au fil du temps, à donner naissance à plusieurs monuments de notre République, tels le Palais Eynard, le Victoria Hall, le Palais de l’Athénée, la Fondation Bodmer, etc. L’histoire de Genève a été marquée par ce que l’on appelait le mécénat et que l’on surnomme plus volontiers maintenant « partenariat publique privé ».

 

A savoir, la reconnaissance par l’Etat des efforts que peuvent faire des entités privées ou des personnes privées pour soutenir des buts d’utilité publique ou de service public (recherche scientifique, bienfaisance, coopération internationale, etc.).

 

Le projet de loi 9863, actuellement à l’étude devant la commission fiscale du Grand Conseil, vise un double objectif. Premièrement, il entend adapter le droit fiscal cantonal des fondations aux nouvelles exigences du droit fédéral entré en vigueur le 1er janvier 2006, portant notamment sur la fiscalité des fondations (loi sur la TVA, loi fédérale sur l’IFD et loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes « LHID »). Suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle fiscalité fédérale, le Grand Conseil genevois a adopté en avril 2006, une loi qui vise à transposer, au niveau cantonal, les modifications civiles du droit des fondations. En revanche, il ne traite pas des modifications fiscales cantonales imposées par le législateur fédéral.

 

Deuxièmement, il vise à moderniser les dispositions cantonales sur la fiscalité des donations et à renforcer la place du canton de Genève comme pôle d’excellence pour les fondations poursuivant un but d’utilité publique ou de service public, à savoir continuer à inciter les donations privées par une fiscalité encourageante et juste. De ce fait, le projet de loi en question tient compte d’une réflexion générale sur la fiscalité des fondations et des donations à des institutions poursuivant ce but d’utilité publique ou de service public.

 

Concrètement, les principales mesures contenues dans le présent projet sont les suivantes :

 

1. concernant les impôts sur le revenu et sur le bénéfice (modification des art. 8 LIPP-V et 13 LIT.C LIPM).

 

  • déductibilité, auprès du donateur, des versements bénévoles, non plus limitée aux versements en espèces, mais étendue aux autres valeurs patrimoniales.

La notion d’autres valeurs patrimoniales comprend les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les capitaux, y compris les créances, et les droits de propriété intellectuelle.
 

  • augmentation du plafond de la déduction des versements bénévoles à 20% du revenu net des personnes physiques, respectivement 20% du bénéfice net des personnes morales.

En droit genevois actuel, la législation n’est pas adaptée aux modifications législatives fédérales, elle ne mentionne pas la possibilité de déduire des dons en faveur de la Confédération, des cantons, des communes et de leurs établissements et l’on constate que son plafond de déductibilité est bien en deçà des normes fédérales.

Dans un souci de renforcer la compétitivité du canton de Genève pour les institutions poursuivant un but d’utilité publique, et par souci d’harmonisation fiscale, ce nouveau projet de loi cantonal propose de porter le plafond de la déduction à 20 % du revenu imposable.

 

2. concernant les impôts sur les successions et sur les donations (modification des art.6 LDE et 28 LDS)

 

  • unification, entre les donations et les successions, des dispositions concernant l’exonération des versements bénévoles ;
  • pour les institutions suisses : exonération complète en cas de libéralités versées à des institutions suisses exonérées d’impôts sur le bénéfice et sur le capital en raison de leur but de service public, d’utilité publique, cultuel, ou en faveur de la Confédération, des cantons, des communes et de leurs établissements ;
  • pour les institutions étrangères, exonération similaire dans la mesure où elles peuvent revendiquer l’application d’une clause de non-discrimination prévue par une convention de double imposition ;
  • pour les autres institutions étrangères, exonération à la libre appréciation du Conseil d’Etat.

 

3. concernant le droit de mutation en cas d’achat d’immeubles par une institution poursuivant un but d’utilité publique (modification art. 42 LDE)

 

  • exonération pour les acquisitions d’immeubles faites dans un but d’utilité publique ou cultuel.

 

Le système actuel exonère du droit de mutation les institutions mentionnées à l’article 28, alinéa 1 lettres a à p (églises, Croix-Rouge etc.), mais pas les autres institutions poursuivant un but d’utilité publique. Cette inégalité de traitement n’a pas de raison d’être. Il convient donc d’élargir le champ d’application de cette disposition.

 

4. concernant l’impôt immobilier complémentaire (modification de l’art 76 al.1 LCP)

 

  • exonération pour les immeubles appartenant à des institutions exonérées d’impôts.

 

Il convient donc de lever toute ambiguïté sur cette question et de prévoir, à l’instar d’autres cantons, une exonération de l’impôt immobilier complémentaire pour les immeubles appartenant à des institutions exonérées d’impôt en raison de leur but d’utilité publique ou de service public.

 

On peut espérer que cette modernisation nécessaire de la fiscalité cantonale aboutira rapidement et incitera ainsi les nombreux mécènes genevois à poursuivre, voire à intensifier, leur action.

 

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