La lutte contre le blanchiment d'argent en Suisse

par Edouard Cuendet, Membre du Comité de l'UIPF.

La Commission fédérale des banques (FINMA) vient de publier un épais cahier résumant les dispositions concernant la lutte contre le blanchiment d’argent en Suisse : son volume (pas moins de 456 pages !) donne une idée de la complexité de la matière. Mais ne nous leurrons pas : ce combat constitue un enjeu majeur pour la place financière. En effet, cette dernière n’a aucun intérêt à attirer des capitaux d’origine douteuse qui ne feraient que ternir sa réputation. Or, cette réputation constitue précisément l’un de ses atouts les plus précieux.

Avant de se pencher plus avant sur le dispositif mis en place dans notre pays pour lutter contre ce fléau, il est nécessaire de définir cette notion. Par blanchiment d’argent, on entend le fait de dissimuler l’origine criminelle de fonds en les réinjectant discrètement dans le circuit économique légal. Les capitaux en question peuvent provenir de crimes tels que le trafic de drogue, l’escroquerie, la corruption, les enlèvements, pour n’en citer que quelques uns. La lutte anti-blanchiment vise donc à poursuivre les criminels de manière indirecte : elle ne les empêche pas de commettre leurs forfaits, mais s’attache – en partant de l’a priori que c’est la volonté de s’enrichir qui les anime – à remonter la filière financière.

De par sa stature internationale et sa taille considérable, la place financière suisse est, à l’instar de Londres ou New York par exemple, susceptible d’attirer des criminels soucieux de blanchir le produit de leurs méfaits. Des mesures s’imposent donc pour, d’une part, dissuader ces malfrats d’infiltrer notre système financier et, d’autre part, pour les débusquer si, par malheur, ils parviennent à franchir les obstacles placés sur leur route. C’est le lieu de relever que tout arsenal, aussi sophistiqué soit-il, ne saurait être infaillible. Par conséquent, il est tout simplement inévitable que des cas de blanchiment se produisent. L’élément essentiel demeure qu’une fois découverts, les fonds incriminés soient bloqués et confisqués dans les meilleurs délais afin qu’ils ne profitent pas aux criminels en question.

Les banques suisses ont compris très tôt que le meilleur moyen de lutter contre le blanchiment d’argent était de bien connaître leurs clients. Dans ce but, elles ont adopté, en 1977 déjà, la Convention de diligence qui impose à ses signataires des règles strictes en matière d’identification de la clientèle. Ce document a été véritablement précurseur et ses principes ont été repris par les réglementations adoptées par la suite (souvent bien plus tard) dans d’autres pays. En Suisse même, ce texte n’est pas resté figé mais a évolué régulièrement et sa dernière version date de 2003. Il prend notamment en compte la nécessité de combattre le financement du terrorisme.

Depuis 1990, le Code pénal suisse réprime durement le blanchiment d’argent, puisqu’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison est prévue pour les cas graves.

A cela s’ajoute que la Loi sur le blanchiment d’argent est entrée en vigueur le 1er avril 1998. Depuis lors, les banques ne sont plus seules concernées. En effet, ces dispositions s’appliquent aussi aux autres intermédiaires financiers, tels que notamment les gérants de fortune indépendants, les assurances, les avocats, les bureaux de change et les fiduciaires. Cette loi impose à tous ces acteurs de la place financière de vérifier l’identité de leurs clients et d’identifier les ayants droit économiques des valeurs patrimoniales qui leur sont confiées (car le détenteur d’un compte et son bénéficiaire réel ne sont pas forcément les mêmes). De plus, en cas de soupçon fondé portant sur l’existence d’une opération de blanchiment, les intermédiaires financiers doivent immédiatement aviser les autorités compétentes et bloquer les avoirs suspects.

Une nouvelle Ordonnance anti-blanchiment de la FIMNA est entrée en vigueur le 1er juillet 2003. Elle exige que les banques établissent des catégories de relations d’affaires et de transactions présentant des risques accrus. Par ailleurs, elle impose aux intermédiaires financiers une surveillance permanente et informatisée des transactions, afin d’être en mesure de détecter celles qui comportent un tel risque accru. La lutte contre le financement du terrorisme est expressément incluse dans ces nouvelles normes.

Ce bref survol du dispositif helvétique, dont les différents éléments s’emboîtent comme un puzzle et couvrent l’ensemble du secteur financier, démontre combien la menace du blanchiment est prise au sérieux en Suisse. Notre pays répond d’ailleurs aux standards internationaux les plus élevés, ce qui a été reconnu par diverses instances internationales, dont le GAFI (Groupe d’Action Financière sur le blanchiment de capitaux) qui fait office de référence en la matière.
 

 

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